L’ESJ PARIS, PLUS D’UN SIÈCLE D’EXISTENCE
Histoire de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Paris (retrouvez ici l‘article sur les archives dévoilées)
Voir l'étude détaillée de Vincent Goulet sur la création de l'ESJ et de ses écoles soeurs en cliquant ICI.
Des fondateurs, des professeurs et des étudiants, témoins de l’histoire au cœur de Paris.
En 1895, dans le contexte de l’affaire Dreyfus, de nombreux intellectuels libéraux créent le Collège Libre des Sciences Sociales autour de Dick May (de son vrai nom Jeanne Weill, fille du Grand Rabbin d’Alger). Dick May, également cousine de Karl Marx qui l’avait initiée à l’économie, se confronte ainsi à l’Université en créant le premier enseignement des sciences sociales en France.
En 1896, Dick May, journaliste et romancière, va proposer la création d’une école de journalisme, proposition retenue et aussitôt mise en oeuvre effectivement en 1899. Au même moment, l’Université du Missouri dont le conseil d’administration se voit refuser la même année par le Sénat de l’Etat du Missouri l’ouverture d’une formation spécifique au journalisme (laquelle ne sera finalement ouverte qu’en 1908).
C’est peu de dire que l’annonce de la création de l’Ecole Supérieure de Journalisme, en avril 1899, a rencontré un accueil mitigé au sein de la profession. A l’époque, beaucoup de journalistes considéraient que leur métier ne pouvait s’apprendre que par la pratique immédiate, et non pas sur les bancs d’une Ecole. Les notions d’éthique et de déontologie mettront des décennies avant d’être appliquées (sous l’influence de Philippe Vianney fondateur du CFJ et d’Hubert Beuve Mery, patron du Monde, tous deux à la Libération).
Parmi les nombreux articles qui « saluèrent » l’ouverture de celle-ci au début du 20ème siècle, certains furent sympathiques (paradoxalement au Figaro et au Temps), d’autres furent plus neutres, mais plusieurs (notamment à L’Illustration) furent franchement hostiles.
Laïque, sociale et républicaine
Cinq ans plus tard, l’élan des premiers bâtisseurs est confirmé avec la création de trois écoles issues du collège de 1895 ( l’Ecole des Hautes Etudes Sociales, l’Ecole des Hautes Etudes Internationales et surtout l’Ecole de Journalisme, qui reçoit le soutien immédiat des plus grands noms de la presse comme Henri Fouquier et Jules Cornély). Le succès de l’ESJ, laïque, internationale, intellectuelle, sociale et républicaine est alors certain sous la IIIème République face au monde des médias.
Les premières années de l’ESJ ne voient que peu d’étudiants se destinant à une carrière seulement de journaliste, mais bien plus de candidats à des fonctions administratives ou politiques (le diplôme propre de journalisme ne sera mis en place qu’en 1910) et une activité professionnelle large. Cette dualité journalisme/sciences politiques se poursuivra à l’ESJ jusque dans les années 70, puis revient en force dans les années 2009/2010.
L’ESJ Paris « paiera » son indépendance face à l’Université, face aux groupes de presse, puis face aux syndicats patronaux, puis de journalistes puisqu’elle ne parviendra pas à obtenir une quelconque « reconnaissance » de ceux-ci depuis 1935 ! Sans conséquences sur la vie de l’école, reconnue par les autres. C’est pour contrer « l’idéologie » supposée de l’ESJ Paris que la Conférence des Evêques de France va pousser les milieux catholiques lillois à créer l’ESJ Lille en 1924. Le CFJ renverra les deux protagonistes dos à dos en 1945.
Ecole parisienne s’il en est, l’ESJ Paris croît rapidement autour de ses conférenciers et professeurs: Emile Durkheim fondateur de la Sociologie, l’historien Charles Seignobos et l’économiste Charles Gide, créateur de l’économie coopérative.
DE GRANDS NOMS
Les autres célébrités enseignant à l’Ecole furent les écrivains Anatole France, Charles Péguy, Romain Rolland les compositeurs Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel, mais aussi des Présidents du Conseil parmi lesquels les futurs Présidents de la République Raymond Poincaré, Paul Deschanel, Alexandre Millerand, Paul Doumer, Gaston Doumergue, Maurice Schumann contribuent à établir la solide réputation de sérieux et de dynamisme de l’établissement.
L’école organisait , comme c’est encore le cas aujourd’hui, sa pédagogie autour de maîtres de cycles de conférence, Pierre de Coubertin fut de ceux-là et l’avocat André Toulemon enseigna les questions démographiques.
De grands journalistes transmettent déjà leurs connaissances : Georges Bourdon (1868-1938) , grand reporter, Georges Combault (1881-1970) les premiers exercices pratiques, Georges Hourdin (1899-1999)…
Personnel, enseignants et élèves dispersés (ou pire) par la guerre, l’école va pourtant ouvrir encore plus largement ses portes aux femmes et aux étrangers, ceux retenus en France et ceux issus de pays neutres, pendant les hostilités. En 1942, les tentatives d’entrisme de quelques intellectuels pronazis vont amener ses responsables à fermer l’école sans heurts pour ses élèves alors même qu’en ces circonstances exceptionnelles elle était encore plus ouverte à des candidats atypiques pour l’époque, femmes et étrangers.
Reprise en main en 1945 par André Le Jules, fraîchement démobilisé à la Libération, l’ESJ s’installe 4, place St Germain (44 rue de Rennes) et va être une des premières écoles de journalisme en France, formant de nombreuses personnalités, journalistes comme auteurs, comme Léon Zitrone, Philippe Bouvard, Patrick de Carolis, Bernard Werber ou encore Philippe Djian et Gérard de Villiers…
En 1991, gérée par le Centre d’Etudes Politiques et de la Communication, présidé par Henri Amouroux, ancien élève de l’ESJ, mais aussi résistant et fondateur de Sud-Ouest, l’ESJ rejoint le quartier universitaire de Tolbiac, sous la direction de M. le Professeur Pascal Chaigneau, administrateur délégué général qui va alors recruter ceux qui vont faire de cette école la première école de formation en télévision et en radio, Michel Zlotowski et Philippe Abiteboul et Alain Passerel. Parallèlement en presse écrite, Alain Fourment et Serge Rozenblum vont marquer des générations d’étudiants pour en faire de vrai journalistes de presse écrite, parfois dans la douleur mais très souvent dans la reconnaissance.
Parmi les anciens de la maison plutôt médiatisés au cours de la Vème République, on compte Patrick de Carolis, Henri Sannier, Caroline Henry, mais aussi, et entre autres, par exemple Audrey Pulvar, Erika Moulet, Claire Barsacq ou encore Malek Boutih et tant d’autres.
L’ESJ Paris est distinguée avec d’autres grands établissements, aux côtés des Instituts de Sciences Politiques et des principales écoles de journalisme (ESJ-Lille, CFJ) par décret du Premier Ministre en 1995 lui accordant la possibilité de délivrer un Diplôme de Formation Supérieure en Journalisme (DFSJ, niveau maitrise). Le DFSJ devient par la suite le « Titre » de 3ème année est certifié/homologué par l’Etat au niveau II inscrit au RNCP.
De 2006 à 2008, la rénovation de l’ESJ et son adaptation à l’ère technologique sont conduites par une équipe détachée par le groupe LMD, spécialisé dans l’enseignement de la communication et de l’analyse des médias ; l’ESJ Paris s’ouvre enfin à l’Europe. Elle retrouve son rôle de grande école de journalisme et reconnaît la nécessité de l’évolution des médias et de la formation des journalistes polyvalents en presse écrite radio, télévision et Internet.
En 2007, l’ESJ accueille ainsi la première Webradio francophone, Fréquence 3, ainsi que la Fondation pour l’Analyse des Médias et de l’Opinion, son pôle de recherche. L'ESJ lance également sa première webradio : Fréquence ESJ, en partenariat avec Nolae.
En 2008, l’ESJ Paris réforme son programme pour tenir compte de l’évolution du métier de journaliste, ajoutant également une année à la fois préparatoire et professionnelle tout en conservant sa capacité d’accueil de jeunes étudiants. Parallèlement, face à des tentatives de déstabilisation, issues des univers politiques, de la communication et de la finance dont les méthodes et les finalités sont divergentes des nécessités du journalisme, l’ESJ Paris devient désormais totalement indépendante fin 2008, animée par un groupe de personnalités s’associant pour faire rayonner l’école dans le monde francophone et surtout francophile.
En 2009, l’ESJ va ouvrir, avec succès, une formation intensive en un an, Bac+4/5 240/300 ECTS spécifique de Journalisme de Sports. Première école de journalisme TV en France elle va ouvrir en 2010 une formation similaire de JRI/Journalisme Audio-Visuel, puis en 2011 une formation de TV spécialisée « documentaire et investigation ».
Des partenariats internationaux
Depuis janvier 2005, l’ESJ et l’American University de Washington DC sont établissements partenaires. Les étudiants de l’école ont ainsi la possibilité d’effectuer un semestre de leur cursus à Washington au sein de l’école de journalisme de l’ »American University » et d’obtenir un « certificate of achievement » de cette dernière parallèlement au Titre ESJ. En janvier 2009 un accord d’échange est également signé avec l’école de journalisme du Griffith College à Dublin, puis avec l’Universidad San Pablo CEU à Madrid.
L’ESJ est membre de l’Union de la Presse Francophone, de l’Association Française des Ecoles de Journalisme et est également partenaire de l’Agence Universitaire de la Francophonie pour être opérationnel dans un univers de la communication en pleine évolution.
En juin 2007, l’ESJ ouvre son antenne d’application à Bruxelles (« ESJ à Bruxelles »), antenne qui en 2010/2011 va plus particulièrement être destinée à la formation des correspondants de presse auprès des instances européennes et internationales.
Egalement en juin 2007, l’ESJ ouvre un établissement à Casablanca à l’initiative du Groupement d’Impulsion Economique Franco-Marocain, puis l’ESJ Orient à Dubai (formation télévision en arabe) en 2009. Etablissement transféré à Rabat en 2012 à l'ILCS, destiné à un mastère de journalisme, aux formations complémentaires et aux séjours in vivo des étudiants parisiens avant leur diplôme. En mai 2010 un accord est signé avec l’IFIRST pour la création d’une formation de journalisme de sports à Alger, puis en 2011 avec l'UIT à Tunis.
PREMIÈRE ÉCOLE DE JOURNALISME AU MONDE
Si l’ESJ Paris en 1899 devient la première école de journalisme créée dans le monde, elle avait été précédée par un programme spécifique d’enseignement du journalisme, de courte durée, à la demande du Général Sudiste Robert E. Lee, au cours de sa présidence de l’Université Washington and Lee University, à Lexington en Virginie au cours des années 1860. La première école américaine sera créée à l’Université du Missouri en 1908.
Bien que réclamée par les universitaires et les intellectuels, la création d’une école de journalisme en France se heurte, à la fin du 19ème siècle, aux positions des patrons de presse notamment. Il faudra attendre 1924 pour que les milieux catholiques et cléricaux nationaux poussent à la mise en place de l’ESJ Lille. La deuxième vie des écoles de journalisme commencera à la Libération avec l’ouverture du CFJ, forçant toutes les autres à s’aligner sur ce qui reste aujourd’hui, primum inter pares, une référence.
Première école de journalisme au plan historique, l’ESJ Paris l’est aussi par son ouverture aux réalités sociales et humaines, elle l’est aussi par le nombre de ses anciens élèves. Elle reste aussi aujourd’hui une des rares écoles de journalisme privées et indépendantes, sans aucune aide de l’Etat ; une des exceptions parmi les plus de 90 formations au journalisme recensées en France en 2011.
Voir également les pages suivantes :
- lieux historiques de l’ESJ Paris
- le blason et autres histoires de l’ESJ Paris
- les archives dévoilées de l’ESJ Paris
- discours du Président du Sénat à l'occasion du centenaire de l'école
- les écoles de journalisme en France